Wayne VAUGHN
Pianiste, Compositeur, Producteur
Los Angeles

Chez Vaughn, 3 générations de groove 

Wayne est né à Los Angeles, dans une famille de musiciens. Son père, mécanicien, jouait de la guitare.

« J’aurais du jouer de la guitare ! J’ai commencé à jouer de la flûte traversière à 9 ans à l’école primaire, parce que c’est pratique à transporter et tu peux jouer partout et j’ai continué jusqu’à ma première année d’université ! A 13 ans, mes parents nous (ma soeur et moi) ont offert un piano. J’adorais jouer, apprendre. A 14-15 ans, je suivais mon père qui jouait dans les clubs de la ville. Un pianiste m’a invité à jouer pour la première fois avec un groupe sur scène. On a joué Mercy Mercy Mercy. Je me souviens c’était extraordinaire !  Je me disais : comment réussissent-ils à jouer cette chanson avec moi, on n’a même pas répété ensemble ! Ça me fascinait ! J’adorais ça ! Dans ma tête ça a été le déclic : c’est ce que je veux faire. la deuxième fois que j’ai fait ça, j’ai joué avec Willy Bobo, le percussionniste .

Après le lycée Wayne choisi d’étudier la musique à l’Université de Californie de Los Angeles (UCLA). En 1976, le jour suivant la remise de son BA en composition musicale, il intègre le groupe des Brothers Johnson. Il va partir pendant 6 ans.

« C’est comme ça que j’ai rencontré Quincy Jones qui produisait les Brother’s Johnson avec qui je jouais. Il a été mon meilleur professeur ! Ensuite j’ai joué avec Lionel Ritchie pendant un moment. C’est aussi à ce moment là que j’ai rencontré Maurice White ( Earth Wind & Fire) en 1978. A l’époque, on jouait tous les deux du jazz, et on aimait le groove. Mais on ne gagnait pas notre vie avec le jazz. On voulait faire des trucs simples pour que les gens n’aient pas trop à réfléchir ! On a composé Let’s Groove, l’hymne national de la fête ! Dans toutes les soirées tu avais cette chanson. Plus tard, Maurice m’a demandé si j’avais des chansons pour EW&F. Je lui ai donner une cassette sur laquelle il y avait quatre chansons susceptibles de lui plaire. Il en a choisi trois, qui sont sur l’album Raise [sorti le 14 novembre 1981 sous le label CBS,  Raise sera l’album le plus vendu en 1982. La chanson Let’s Groove, sortie le 21 octobre 1981, est disque d’or le 13 janvier 1982 avec plus de 500 000 disques vendus]. J’ai travaillé avec Maurice de façon régulière jusqu’en 2005.

Quand as-tu commencé à composer ?

J’ai commencé à composer très jeune, influencé par deux morceaux qui m’ont marqué et que je jouais à ce moment là : Watermelon Man de Herbie Hancock et Song for my Father, de Horace Silver. Ça m’a donné envie d’écrire. J’avais un groupe à l’université, et on a eu envie de jouer une musique plus populaire (c’était le début de Earth Wind & Fire) de façon à aussi pouvoir se faire un salaire. Il était difficile de gagner sa vie avec le jazz. Même Herbie et Miles [ndlr Davis] se sont mis à faire des sons plus funky. C’était une époque de transition dans la musique : on passait de Giant Step (John Coltrane) à un mélange de R&B, auquel on ajoutait des harmoniques de jazz, un beat qui fait bouger les gens, mais toi tu continues à jouer du jazz, à improviser sur la structure R&B.

C’est comme la salsa : rythme afro-cubain avec un tempo qui permet aux gens de danser, de bouger. Les gens s’amusent sur cette musique. Tu leurs permet de s’éclater. N’oublie pas que Duke Ellington, Count Basie, Cab Calloway étaient aussi populaires parce qu’ils faisaient danser les gens sur leurs musiques. Le Big Band de 17 musiciens est devenu un Big Band à faire danser. C’est ça le truc : si tu fais en sorte que les gens s’amusent, dansent, participent à ce que tu es en train de jouer, tu deviens plus populaire.

Miles adorait le jazz “traditionnel”, mais son dernier album était un album de hip-hop [ndlr Doo-Bop, sorti à titre posthume en 1992). Il avait déjà amorcé un travail jazz-fusion-funk avec Marcus Miller et George Duke sur Tutu (1986). George a introduit de la musique électronique. je me souviens avoir écouté le disque et me dire “ Tiens ! Qui joue du saxo? Mais c’était George qui jouait du saxo sur le synclavier ! ”. Tu ne pouvais pas deviner que c’était le clavier ! Il jouait un rythme pas trop rapide, qui pouvait laisser croire à l’imitation du saxophone. Tu ne peux plus tromper l’oreille quand le rythme est plus soutenu et que le phrasé doit être celui d’un vrai sax. J’ai eu besoin d’une flûte sur un morceau et je l’ai faite au clavier pour avoir une idée avant d’appeler le flutiste. je lui fais écouter ça et il me dit “ c’est pas un vraie flûte là, n’est-ce pas?! “. Le vrai musicien ne se fait pas avoir. C’est une question de phrasé.

Tu sais, j’ai un orchestre symphonique dans mon téléphone. Il s’appelle Garage Band®. Je peux te faire un petit concert là maintenant [il faut bien comprendre que Wayne est un musicien hors-paire, avec une connaissance technique incroyable, dotée d’un sens inné de la musique]. C’est parce que la technologie est disponible que je ne l’utilise pas ! J’ai besoin d’aller au studio, d’enregistrer avec mon magnétophone à cassette – j’ai toujours mon petit magnétophone à cassette – j’enregistre ma chanson, j’appelle mes vrais musiciens pour jouer les pistes. je fonctionne toujours à l’ancienne !

Concert Brésil : Victor Brooks 2 

Comment en es-tu arrivé à la production ?

J’ai commencé la production parce que je souhaitais participer au processus de création des disques. Pendant dix ans j’ai assisté les ingénieurs du son. Je suis passé de musicien à compositeur, à ingénieur du son puis producteur ingénieur comme j’aime à dire. J’ai appris comment enregistrer, et après cela j’ai été prêt pour aller en studio sans attendre les gens. Ça aussi c’est un truc qui m’agaçait, et en étant mon propre producteur, je pouvais travailler ma chanson sans perdre de temps.

C’était aussi un défi que je me lançais. Et que je continue à me lancer. Tu n’es jamais arrivé à la fin ! Rien n’est jamais acquis. Je continue à apprendre tous les jours ! Il m’arrive encore de ne pas trouver le bon truc. Les autres sont là “whaoo c’est génial !” et moi je suis là “noon, non… ça va pas… “! Parfois j’ai besoin de prendre de la distance par rapport à ce que je fais. Quand tu as le nez dans le guidon tu ne vois pas ce qui cloche. Fais ta musique et mets la de côté. Ensuite tu reviens dessus. Parfois ça peux te prendre un bon mois pour faire un bon travail. Parfois ça te demande plus de matière. Tout dépend la cible et le but. Il faut savoir utiliser ton talent correctement.

Le travail du producteur c’est de donner à la musique toute sa luminosité. Tu donnes aussi tes idées pour aller plus loin et améliorer les choses. L’avantage que j’ai sur celui qui a créé, c’est que j’ai du recul sur son travail et je suis plus objectif. Il est toujours plus facile de voir la paille dans l’oeil de l’autre ! Ça n’est pas toujours facile, et c’est aussi pour cette raison que j’aime aussi co-produire, de façon à avoir quelqu’un à mes côtés avec un autre regard. Tout est question d’équilibre.

Sur quoi travailles-tu actuellement ?

Ma femme Wanda  est chanteuse dans le groupe The Emotions, mes quatre enfants sont tous musiciens. Nous venons de reprendre la chanson de Donny Hathaway This Christmas qui va sortir dans quelques jours pour les fêtes de fin d’année (Noël 2015). C’est une tradition ici aux États-Unis, si tu ne reprends pas ta Christmas song, tu rates le traineau du Père Noël ! De plus, nous travaillons actuellement tous ensemble sur un projet qui s’appelle 3GG, 3 Generations of Groove (trois générations de groove). Mon ami Gerald Brown nous fait le plaisir d’être à la basse. Et quand je finis un travail, j’ai déjà un autre truc en tête qui m’appelle !

Wayne, mille mercis pour ce moment privilégié !

Mais c’est avec plaisir ! J’ai trop parlé ! Allons boire un verre !

Wayne & NoJazz on Soul Stimulation 

Wayne a collaboré au dernier album de NoJazz:

« j’ai eu Stevie Wonder sur le disque et Maurice White (Earth Wind & Fire), c’est un mélange de jazz, de R&B, Hip-Hop Trip-Hop. Quand les gens viennent les écouter avec une bonne bière fraiche, ils sautent dans tous les sens. Pascal le batteur est aussi guitariste, Philippe au clavier est aussi DJ, et les cuivres sont dingues : c’est une énergie incroyable ! C’est l’équivalent d’Ellington et de Count Basie : les gens s’éclatent, s’amusent, ils font la fête. Ils jouent du jazz sur le groove. Et devine quoi. Les gens adorent ça !

SOUL STIMULATION disponible ICI 

L’Interview de NoJazz est